C’est à vif que s’écrivent ces premiers mots de l’année, dans l’étrange et horrible réalité des tueries de Charlie Hebdo – et de celles qui ont suivi. Assassinats de créateurs, tentative d’assassinat de la liberté de parole. Plus que jamais, cette année doit être celle des auteurs.

Les auteurs ont toujours figuré dans les discours des politiques, et le droit d’auteur fait partie de leur argumentaire. Tout en disant ne pas vouloir abolir le droit d’auteur, et le clamant la main sur le cour, ils ne font cependant pas un geste pour le défendre contre le courant dominant de la mondialisation : il faut bien rester ambigu pour séduire deux électorats résolument opposés sur cette question. Or il est grand temps de porter en avant un droit fondamental qui est en tous sens fragilisé, malmené, écarté : car ce n’est pas une simple notion abstraite que l’on bouscule ainsi, mais la vie des créateurs, le devenir de leurs ouvres, le devenir de la Culture.

Des prises de position beaucoup plus tranchées maintenant émanent des institutions politiques européennes. Il est clairement question de faire sauter ce qui représente à leurs yeux des verrous encombrants pour le libre échange des contenus, des savoirs et des ouvres de l’esprit. Dans la lettre de mission du président de la Commission européenne à son commissaire à l’économie numérique, on lit qu’il faudra « centrer l’action autour des utilisateurs d’Internet, en leur garantissant un libre accès aux services, à la musique, aux films, aux sports, sans avoir à payer des taxes omniprésentes. » Mais les services sont des contenus de type utilitaire, alors que la musique ou les films relèvent de l’art. Et que penser de la présence des sports dans cette énumération, quand on connaît les enjeux financiers qu’ils sous-entendent ? On confond dans un large mouvement les ouvres de l’esprit et les « produits » qui n’en sont pas. <brOn entend dire qu’il faut réformer le droit d’auteur, parce que le numérique est supposé remettre en cause des systèmes de pensée désuets. Certes, il faut concilier le numérique et le droit d’auteur. Mais prenons la question dans l’autre sens : accordons les nouvelles pratiques aux exigences du droit d’auteur, et ne plions pas le droit d’auteur à la dictature du Net, qui revendique la liberté de pouvoir tout télécharger gratuitement.

Mais de quelle liberté parlons-nous ? La vraie liberté, c’est la liberté de création, qui suppose l’indépendance des auteurs ; le droit d’auteur, rémunération de l’auteur, respect de son droit moral, est le garant de cette indépendance. On ne saura jamais trop rendre hommage à cette liberté en ce début d’année, car elle vient de payer très cher son existence, et sa résistance inconditionnelle.

Bonne année aux auteurs, et à leur liberté.

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