Le Snac se réjouit de constater que l’Ordonnance n° 2021-580 du 12 mai 2021 a été publiée. Ce texte présenté par le gouvernement porte transposition du 6 de l’article 2 et des articles 17 à 23 de la Directive 2019/790 du 17 avril 2019 sur le droit d’auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique.

Petit flash-back :  la Directive fut un texte de consensus au niveau européen (donc rien de “bouleversant” mais un “plus juste équilibre”), ce fut aussi le résultat de plusieurs années de rebondissements et de discussions entre Commission, Conseil, Parlement… La genèse et le processus d’adoption de ce texte ont duré presque autant qu’un mandat des instances européennes (Commission et Parlement). Le texte adopté par l’Europe a eu le mérite d’ouvrir, entre autres, la voie du possible pour une régulation de l’usage des œuvres protégées sur le net et une responsabilisation des opérateurs du net et en premier lieu des GAFAM qui se sont montrés plus actifs que jamais dans la désinformation et pas avares du tout d’actions de lobbying durant tout le processus de discussion de la Directive. Du côté du gouvernement français et des représentants des ayants droit, de nombreuses organisations se sont mobilisées (pour ne pas dire toutes) tout au long de ce processus pour défendre un autre point de vue que celui des GAFAM ou des adversaires du droit d’auteur, les zélés adorateurs des exceptions au droit d’auteur.

Les députés européens ont tranché in extremis, quelques semaines avant les élections européennes de 2019. Il restait à transposer la Directive dans les législations nationales. Le processus normal de transposition d’une Directive dans les législations nationales peut prendre de quelques mois jusqu’à 2 ans au plus. La France avait d’abord envisagé une transposition de ces dispositions dans un projet de loi du gouvernement relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l’ère numérique mais le projet de Loi a été abandonné en mars 2020 en cours de discussion parlementaire à cause de la crise sanitaire.

C’est finalement par voie d’Ordonnance (c’est-à-dire sans débat Parlementaire) que cette partie de la Directive de 2019 est transposée dans notre législation nationale. Le ministère de la Culture communique en présentant cette Ordonnance comme une avancée majeure : juste rémunération des créateurs et meilleur partage de la valeur avec les plateformes numériques. Tout au long du processus difficile d’adoption de la Directive de 2019, à la demande et avec le soutien des organisations d’auteurs et d’ayants droit, le gouvernement français s’est fortement mobilisé pour l’adoption de cette Directive qui renforce la capacité des titulaires de droits à être rémunérés par les plateformes de partage de contenus en ligne et qui , selon le ministère, améliore la protection des droits des auteurs et des artistes-interprètes dans leurs relations avec les exploitants de leurs œuvres.

Les articles 18 et suivants de la Directive transposés dans le Code de la propriété intellectuelle par l’Ordonnance consacrent le principe d’une rémunération appropriée et proportionnelle et renforcent les obligations de transparence au bénéfice des auteurs et des artistes. Enfin, ils leur ouvrent également certains nouveaux droits dans la relation avec les exploitants des œuvres, à travers le principe d’un mécanisme de réajustement de la rémunération prévue au contrat et une possibilité de résiliation en cas d’absence totale d’exploitation de l’œuvre, certains auteurs sont cependant exclus du bénéfice de ce droit de révocation. En toute dernière minute, le ministère a fait un geste pour que les auteurs du secteur du Livre ne fassent pas partie des exclusions. Mais sur l’obligation de périodicité des comptes aux auteurs, sur l’exclusion des auteurs des œuvres audiovisuelles du bénéfice du droit de révocation (et donc des compositeurs des musiques) et sur la condition d’absence totale d’exploitation de l’œuvre pour invoquer ce droit de résiliation, le ministère est loin d’avoir été novateur et d’avoir rédigé une Ordonnance  aussi magistrale et décisive que cela aurait pu.

Les avancées qui figurent dans l’Ordonnance complètent des principes aujourd’hui applicables dans le Code de la propriété intellectuelle, pour beaucoup d’entre elles, des discussions professionnelles sectorielles seront nécessaires pour permettre d’en préciser les conditions de mise en œuvre.

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