Bulletin des Auteurs– Vous êtes le nouveau responsable du groupement Musiques à l’image au Snac.

Siegfried Canto– Je prends la succession de Yan Volsy et suis déterminé à me montrer à la hauteur de cette grande responsabilité. Comme beaucoup d’entre nous, c’est parce que j’ai régulièrement été confronté à de mauvaises pratiques dans mon activité que j’en suis venu à adhérer au Snac. La singularité de ce syndicat, qui fédère plusieurs groupements aux problématiques communes me semblait un bon principe. C’est dans ce type de cadre que l’on peut mettre en place un lieu d’échange et de réflexion idéal pour, in fine, faire avancer des sujets essentiels et défendre le droit des auteurs.

Depuis quelques années que je suis au Snac, je me suis de plus en plus investi.

B. A. – Quels sont les chantiers en cours ?

S. C. – En premier lieu l’édition coercitive (ou l’accaparement éditorial), qui concerne toutes les musiques mais est endémique dans notre secteur. Nous devons mener un réel travail pédagogique auprès des producteurs et de nos tutelles. Les producteurs et éditeurs n’instaureront des pratiques plus vertueuses que s’ils sont cadrés par une institution comme le Centre national du Cinéma, qui est un grand financeur de la Musique à l’image. Nous avons récemment signé avec le CNC des accords (pour l’audiovisuel et le cinéma) relatifs aux clauses types subordonnant l’attribution des aides. C’est un bon début et nous souhaitons maintenant prolonger ce dialogue. Comme c’est maintenant le cas à la Sacem sur les aides en musique à l’image, nous souhaiterions que les financements du CNC dans ce secteur soient conditionnés au respect de certaines règles quand le producteur impose de prendre l’édition. À l’unisson avec les autres organisations de compositeurs (Unac, U2C) nous appelons de nos vœux une concertation sur ce sujet. Entendons-nous bien, nous ne sommes pas hostiles aux éditeurs. Au contraire, au Snac nous pensons que de « vrais » éditeurs – ceux qui font leur travail et assurent l’exploitation permanente et suivie des œuvres en trouvant régulièrement de nouvelles synchro, envoient les redditions de compte, etc. – sont de réels partenaires pour les compositeurs et des acteurs importants de la filière musicale. Ces bonnes pratiques, pourtant contractuelles, sont malheureusement très rares en musique à l’image. Nous défendons juste la liberté des compositeurs de travailler ou non avec l’éditeur de leur choix.

Mais certains chantiers avancent bien ! En ce moment, une concertation a lieu avec le ministère de la Culture au sujet du rapport Bargeton sur le financement de la filière musicale. Le rapport recommande notamment de créer une taxe sur les revenus du streaming musical, afin de donner au Centre national de la Musique des moyens en accord avec sa mission. Le Snac y est partie prenante, aux côtés d’autres organisations professionnelles d’auteurs, de la Sacem, de la CSDEM, des syndicats de producteurs ainsi que d’autres acteurs de la filière.

Par contre, nous attendons toujours l’arrêté d’extension du code des usages et des bonnes pratiques dans l’édition musicale, signé en 2017. Nous espérons aboutir rapidement à un accord avec le ministère.

Le groupement a unanimement décidé de se pencher sur le secteur du jeu vidéo : nous devons ouvrir un vrai chantier sur des pratiques de rémunération des auteurs qui sont réellement discutables.

Comme dans tous les groupements du Snac, l’Intelligence artificielle nous préoccupe particulièrement. C’est un des grands défis des années à venir. Nous appelons à une extrême vigilance et prudence. Il faut bien faire la différence entre l’outil et ses applications. Nous sommes au moment charnière d’une vraie révolution et bien malin celui qui pourrait prédire l’avenir. L’Intelligence artificielle constitue un immense progrès dans des domaines comme la médecine, les sciences. Ce peut être un formidable outil de travail pour les compositeurs, mais il faut rester très attentif sur l’Intelligence artificielle générative (IAG).

Le Snac a fait paraître un communiqué de presse en juillet qui appelle à la mise en place d’outils techniques et juridiques permettant aux auteurs d’autoriser ou non l’utilisation de leurs œuvres pour nourrir les IAG (opt-in et opt-out). Nous appelons à un positionnement clair des pouvoirs publics sur ce sujet et travaillons avec différentes organisations européennes (Ecsa et IWC) et internationales (Cisac).

La qualité de la musique produite par les IA est aujourd’hui encore assez médiocre, mais cela évolue vite, l’usage qui en sera fait est vraiment à surveiller.

Globalement on observe qu’il y a une prise de conscience des acteurs de la culture sur ces enjeux, il faut donc rester optimiste, attentif, vigilant et définir avec l’aide des pouvoirs publics des cadres de travail sains qui préservent les intérêts des auteurs.

B. A. – Maïa Bensimon va succéder à Emmanuel de Rengervé dans la responsabilité de déléguée générale.

S. C. – J’ai énormément appris au contact d’Emmanuel de Rengervé, qui en plus de ses qualités humaines, est d’une grande rigueur professionnelle et partage avec générosité ses connaissances. Le Snac lui doit beaucoup, il va nous manquer.

Nous accueillons Maïa Bensimon, notre nouvelle déléguée générale, avec enthousiasme, pour effectuer avec elle le travail à venir. La diversité et la richesse de son parcours professionnel lui permettront assurément de relever les défis que représente par définition un syndicat transversal et multisectoriel.

B. A. – Comment animerez-vous l’esprit du groupement Musiques à l’image ?

S. C. – Encore une fois, je me place dans la continuité du travail de Yan Volsy. Le groupement fonctionne très bien, les participants sont actifs, c’est un lieu où la parole et les idées circulent librement.  Beaucoup de nos membres représentent le Snac dans les organisations professionnelles, comme la Sacem, Ecsa, les institutions comme le CNM, le CNC, l’Afdas. Ils font entendre la voix du Snac. C’est un plus.

Il y a cependant des points sur lesquels nous pouvons encore progresser. Il me semble important aujourd’hui que nous augmentions et surtout féminisions les adhésions, en musique comme dans l’ensemble des groupements. Nous devons convaincre les compositrices, et plus largement les autrices, qu’elles ont leur place au Snac. Nous devons aussi rajeunir nos équipes, ce qui les revitaliserait. Nous avons clairement un travail de pédagogie à faire.

Pour finir, l’arrivée de Maïa Bensimon, qui semble bien déterminée à poursuivre le travail engagé et à faire avancer les choses, la présence de notre présidente, Bessora, avec qui c’est un plaisir de travailler et qui est très moteur sur les dossiers, le travail de Caroline Bouteillé à la communication et l’engagement de l’équipe administrative sont des signes vraiment positifs.

*

Cet entretien a été publié dans le Bulletin des Auteurs n° 155.

Photographie de Siegfried Canto. Crédit : D. R.

 

 

Attachments
  • siegfried-canto-credit-dr

Related Post