Les auteurs créent pour les autres, ils ont besoin de voir leurs œuvres vivre : concerts, spectacles, lectures, films, performances… Les aides et fonds de solidarité mis en place sont louables en cette situation de crise (surtout qu’elles n’existent pas dans beaucoup de pays) mais ceci ne comblera jamais le terrible manque que cause l’impossibilité de se produire en public, d’être en contact avec d’autres humains, ce qui est la base primordiale de nos vocations, reliquats des plus anciens rituels. On ne peut créer “dans le vide”. Sans la perspective d’aboutissement, de réalisation ou d’exécution de l’œuvre, on perd toute motivation. C’est comme une grossesse sans naissance.

Au siècle dernier, les musiciens, auteurs et peintres étaient amis, se croisaient et se mélangeaient beaucoup plus qu’aujourd’hui en s’inspirant mutuellement, ceci même pendant les périodes de disette, de guerre et d’épidémies. Le besoin de créer, de se produire et de se réunir était plus grand, c’était même souvent un réflexe de survie.

Aujourd’hui, les compositeurs, auteurs, poètes, écrivains, sont en passe d’être réduits au silence, sans parler de ceux qui avaient déjà de la peine à faire produire leurs œuvres avant la crise. Je plains surtout les jeunes, qui débutent dans le métier et n’ont même pas la chance d’avoir leur premier concert, leur premier spectacle… Les expériences de performances vidéo sur internet ont montré leurs limites : on se lasse, on zappe, rien ne remplace le live.

Mon idée toute simple serait de susciter la création de projets de petit format axés sur la transversalité, en mélangeant le plus d’arts possible, musique, texte, arts graphiques, mouvement, ceci en impliquant un minimum d’interprètes – les auteurs eux-mêmes, si possible – afin de pouvoir tenir dans une petite salle, un salon, une cour d’immeuble, un jardin ou d’autres espaces où un petit nombre de gens pourraient se réunir tout en respectant les distances et les “gestes barrières” (terme horrible, quand on y pense).

À ma connaissance, rien ne pourrait s’opposer à cela, puisqu’il y a un paradoxe en ce qui concerne les exceptions faites aux transports en commun ou aux grandes surfaces, où l’on est bien moins protégé que dans une salle de concerts ou de cinéma !

Il devient donc impératif d’exiger du gouvernement une dérogation pour une vie de spectacles a minima.

Il est de notre ressort de montrer que nous résistons à ces règles impartiales qui pénalisent le monde du spectacle et de la création. Il est de notre devoir de proposer des solutions pour que la culture garde sa place comme le pilier de la société et de rappeler que l’ART est tout ce qui restera de notre civilisation. On oublie vite les politiciens, pas les créateurs.

J’appelle tous les acteurs de la culture, auteurs et créateurs, organisateurs de spectacles, directeurs de théâtres et de salles, agents artistiques et autres acteurs du monde de la culture à se joindre à moi pour affirmer haut et fort que l’ART doit vivre : il nous enrichit, nous élève, nous donne espoir et apporte le seul vrai sens à notre société.

Richard Dubugnon, – compositeur contrebassiste, Grand Prix Sacem 2015 – Représentant du groupement musique classique contemporaine au Syndicat national des auteurs et compositeurs.

Crédit de la photo :  Ruslan Makushkin

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